En réalité, une double opération de trésorerie
Depuis que les opérations de change à terme se sont généralisées (c'est-à-dire dès la fin de la Première Guerre Mondiale), la combinaison d'une opération de change au comptant et d'une opération de change à terme de sens inverse (opérations liées) a été considérée par les cambistes comme une opération de trésorerie. Ces derniers ont tellement apprécié et usé de ce type d'opération qu'on la nomme souvent swap cambiste
.
Pour mieux comprendre comment deux opérations de change peuvent être assimilées à une double opération de trésorerie, revenons sur le schéma de la page précédente :
- à J+2 nous avons une première opération de change consistant à vendre la paire EUR/USD,
- à J+n nous avons une seconde opération de change consistant à acheter la paire EUR/USD.
Par rapport à notre précédent schéma, ne raisonnons plus en opérations mais en flux :
- pour la devise EUR, nous avons une sortie de flux à J+2, puis une entrée de flux à J+n,
- pour la devise USD, nous avons une entrée de flux à J+2, puis une sortie de flux à J+n.
Ces mouvements s'assimilent à des opérations de trésorerie - prêt pour l'EUR, emprunt pour l'USD - d'autant qu'il faut bien garder à l'esprit que le cours de l'opération de change à terme reflète les opérations de prêt et emprunt qui ont servi à la couvrir.
Cela nous permet de présenter le schéma de la façon suivante :
Rappel de cours !
Pour finir de nous convaincre, rafraîchissons-nous la mémoire en rappelant le mécanisme de couverture d'une opération de change à terme. La banque qui voudra couvrir l'opération conclue avec son client mettra en place les transactions suivantes :
- une opération de change au comptant,
- un prêt libellé dans l'une des devises,
- un emprunt libellé dans l'autre devise.
Or, au lieu de procéder de cette manière, la banque peut substituer un swap de change aux deux opérations de prêt/emprunt selon le schéma suivant :
Du strict point de vue des flux, le swap de change peut donc remplacer complètement des opérations de prêt/emprunt.
Il permet de se débarrasser d'une devise dont on n'a pas besoin pour acquérir une devise dont on a besoin pendant la même période.
Contrairement au change à terme, le swap de change ne constitue donc en aucun cas un instrument de couverture du risque de change.
L'utilisation d'un swap plutôt qu'une double opération de trésorerie comporte plusieurs avantages :
- pas d'exposition au risque de change. Dans une opération de prêt/emprunt classique, une incertitude demeure sur le cours auquel pourront être échangés les intérêts à régler/recevoir à l'échéance.
- un risque limité. Un swap de change est réalisé avec une contrepartie unique. En cas de défaillance de la contrepartie avant l'échéance du swap, l'opération à terme devra être remplacée par une autre opération aux conditions du marché. Ne subsiste alors qu'un risque de change si l'opération de remplacement est réalisée à un cours défavorable.
- pas d'inscription au bilan. Le swap de change étant administrativement une opération… de change, il est considéré comme étant une opération hors bilan.
Quel succès le swap de change !
Comme on vient de le voir, le swap de change peut remplacer des opérations de trésorerie. Et il offre bien d'autres avantages :
- s'agissant néanmoins d'opérations de change, elles sont considérées comme des opérations
hors bilan
, - pour la même raison, les limitesi sur les swaps de change sont bien plus élevées que celles sur les opérations de prêt ou d'emprunt,
- le swap est réalisé avec une seule contrepartie et non avec deux comme cela serait le cas pour la double opération de prêt et emprunt.
Le swap de change est donc largement utilisé pour gérer les liquidités, pour les opérations de couverture, la spéculation, la prise de positions sur les taux d'intérêt et d'autres objectifs.
Cette diversité et cette facilité d'utilisation expliquent en grande partie le succès du swap de change qui est le produit le plus utilisé sur le marché des changes. En 2022, il représente à lui seul plus de 50% des volumes traités (voir le graphique sur la moyenne des transactions par instrument).
L'importance du swap de change n'a cessé de croître, notamment à partir de 2004, comme le montre le graphique ci-dessus.